Jean-Marc Lepers |
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Anthropologie systémique |
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Table des matières |
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I. Les "systèmes" : composition, formation, évolution |
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A. Définition d'un système |
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B. Développement : l'exploitation du "milieu" |
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C. L'invariance et la mutation |
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D. Evolution, information et communication |
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Bibliographie et Citations |
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I. Les "systèmes" : composition, formation, évolution |
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A. Définition d'un système |
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Les tentatives de définition des systèmes sont fort nombreuses. La plus classique est celle de Bertalanffy : le système est un "complexe organisé", délimité par l'existence d'"interactions fortes" ou interactions "non triviales", c'est-à-dire non linéaires. Georgescu-Roegen, économiste, met l'accent sur le fait qu'un système est une "entreprise à l'allure régulière" qui pompe à l'extérieur de l'"énergie libre" sous forme d'"entropie basse", c'est à dire d'énergie déjà organisée ou élaborée. |
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La définition la plus générale des "systèmes" est probablement issue de la Physique. Boltzmann avait déjà posé qu'un état macroscopique donné d'un gaz peut être obtenu au moyen d'un très grand nombre de "complexions" différentes, c'est à dire d'arrangements des molécules dans l'espace également probables. Planck a défini le système atomique élémentaire comme une "complexion métastable". De manière très générale, on peut dire que tout système est une "complexion métastable", c'est à dire qu'il représente une permanence dans le temps et l'espace d'un état extrêmement peu probable. La "complexion" que représente le système n'est ni plus ni moins probable qu'une autre; le fait important est qu'elle soit "métastable", c'est à dire qu'il se produit un "saut" (eh oui !) dans la stabilité, dans la constitution d'une "forme". Tout système est improbable; mais, pour être plus précis, ce n'est pas l'apparition de la forme spécifique du système qui est improbable (elle est aussi probable que n'importe quelle autre forme composée des mêmes éléments), c'est sa conservation dans le temps, la conservation "systématique" de formes primitivement peu probables. |
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La variable "Temps" est donc essentielle dans la conception des systèmes. Un système est une forme qui, n'ayant pas de probabilité d'occurrence plus grande que n'importe quelle autre, se maintient ou se "fige" dans l'Espace-temps. |
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Il faut noter cependant que la forme ainsi "figée" ou plutôt "fixée" a toujours une probabilité d'occurrence extrêmement faible; de manière générale, elle est une forme "limite" dans l'ensemble des formes possibles, celle dans laquelle les différences entre éléments sont les plus importantes. Il se peut que le caractère "figé" de la forme ainsi apparue soit justement dû à son extrême improbabilité; y a-t-il dans l'Univers un mécanisme général de "conservation" de l'improbable ? Toute forme conservée, en tous cas, réalise un équilibre entre des éléments fortement discriminés : c'est ce qu'on appelle "contre entropie", "néguentropie" ou "entropie basse". C'est au maximum de la discrimination possible, donc au maximum de l'improbable, que peut s'établir un équilibre entre les éléments. Un système suppose donc une discrimination maximale entre des éléments et l'équilibre qui se fonde sur cette discrimination. |
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B. Développement : l'exploitation du "milieu" |
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Tout système, une fois constitué, se réplique et se développe. Cette réplication se fait toujours par un mécanisme d'exploitation du milieu non-systémique, non organisé ou moins organisé. Le système fonctionne donc comme un algorithme : il est capable de se répliquer en utilisant des éléments identiques à ceux dont il est lui-même constitué, mais qui ne sont pas organisés au même niveau. Le système s' "alimente" donc d'éléments libres; dans le cas des systèmes biologiques ou humains il s'alimente au moins en partie sur des sous-systèmes plus ou moins asservis dans lesquels le système effectue un "craquage", qu'il détruit et consomme pour leur faire restituer l'énergie libre, les éléments qu'ils ont pré-stocké et dont il a besoin pour se constituer lui-même. |
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L'exploitation du "milieu", ou plus précisément de sous-systèmes ou de systèmes "inférieurs", est essentielle dans la constitution de systèmes biologiques ou sociaux. La constitution de nouveaux systèmes biologiques et sociaux se confond avec la constitution de moyens d'exploitation de systèmes "inférieurs". Et, plus précisément, la création au sein même d'un système d'un nouveau système plus organisé et plus improbable va s'accompagner non seulement de la disparition de l'ancien système, mais encore, dans bien des cas, de sa prédation progressive par le nouveau système qui trouver en lui son premier "aliment". Ainsi, par exemple, la "soupe primitive" dans laquelle est apparue la première cellule vivante a disparu, complètement absorbée par le système cellulaire; les anthropoïdes également, qui fournissaient peut-être l'un des plats principaux des premiers humains, leurs descendants; les sociétés "primitives" enfin, digérées et exploitées par les sociétés avancées. |
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C. L'invariance et la mutation |
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Plus les systèmes sont "avancés", plus ils trouvent des procédures spécifiques de conciliation entre la nécessité d'un "ordre", nécessaire au fonctionnement général du système, et celle d'un "jeu", nécessaire à la transformation du système et à l'apparition de l'improbable. Le mécanisme de réplication génétique, qui veut que tout caractère soit porté par deux gênes, l'un dominant, assurant la continuité, et l'autre éventuellement récessif, pouvant être le lieu de mutations, est le meilleur exemple de cette conciliation des deux impératifs relativement contradictoires. Le "jeu" économique ou symbolique de la plupart des sociétés humaines en est un autre : il ouvre la possibilité qu'apparaissent des événements hasardeux et peu probables, tout en maintenant une cohérence globale du système. L'introduction du jeu néolithique, dans lequel chaque individu est fractionné entre une partie clanique "traditionnelle" et une partie supraclanique "mutante", ou le jeu économique moderne dans lequel les nations traditionnelles et le capital mutant fonctionnent ensemble, ressemblent d'ailleurs d'une certaine manière au jeu génétique qui combine fonds "historique" et éléments "mutants" porteurs d'avenir. Dans tous les cas, le système "mutant" se met en place sur l'exploitation du système primitif, jusqu'à ce qu'il l'ait complètement assimilé et soit devenu lui-même dominant. La cohérence dominante est nécessaire au jeu des mutations, jusqu'à ce que celles-ci puissent créer une nouvelle dominance, etc.. |
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D. Evolution, information et communication |
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Enfin, dans les systèmes vivants, biologiques ou sociaux, l'élaboration d'un système est également l'élaboration d'un réseau de communication, impliquant une certaine identité de base entre les membres du réseau. Si l'on considère que la transmission de signaux est une transmission de "formes" plutôt que de "phrases" linéaires, celles-ci n'étant qu'une approximation de celles-là, cette transmission n'est possible de manière optimale qu'entre un émetteur et un récepteur identiques qui puissent entrer en "résonance" (Thom). D'autre part l'introduction d'un "tiers" est analogue au "bruit" (Serres) qui empêche la communication optimale. Même, une communication réussie, c'est le "Tiers exclu". |
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Un système de communication doit donc créer une identité entre ses participants; il doit de plus être "impénétrable". D'une certaine manière, dans le monde moderne, les mathématiques constituent le système de communication idéal, étant "intérieurement ouvertes et extérieurement fermées" (Serres) |
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D'autre part, un système élaboré prend les systèmes qu'il exploite comme sources primaires de signaux; une espèce vivante organise son système de communication en fonction des signaux qu'elle repère dans les systèmes qu'elle exploite. C'est assez évident en ce qui concerne les prédateurs, dont la survie dépend de la perception et de la compréhension du comportement des proies qui est le signal qu'ils recherchent; mais on retrouve cette organisation aussi bien dans les sociétés de chasseurs paléolithiques, dont les totems, les cérémonies recréent leurs proies comme "signes", que dans les mouvements financiers internationaux qui interprètent les convulsions des nations ou des groupes humains locaux. |
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L'élaboration d'un système de communication intense, qui est aussi un système de communication plus discriminant que celui de l'entourage, peut être considéré comme la création d'un "gang" ou d'un "hard core", un noyau dur qui est essentiel dans la création de nouveaux systèmes globaux. On peut trouver des gangs aussi bien dans les sociétés animales que dans les sociétés humaines (nobles, "clubs", ENA, P.C. soviétique, "Cosa Nostra" sont des gangs). Dans les sociétés humaines, ce n'est pas tant le nombre de participants que l'intensité des connexions qui les relient, donc l'aspect contre-entropique du gang, qui est déterminant. Dans beaucoup de cas, le gang suit même une politique d'entropisation du reste du système, visant à empêcher l'apparition de gangs concurrents. L'apparition du capitalisme, fondé sur la "conjuration" des bourgeois des Communes, comme celle du socialisme, fondé sur la discipline de quelques minuscules noyaux du "Parti", montrent assez bien la puissance organisatrice et contre-entropique du gang. |
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Bibliographie et Citations |
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ASHBY, W R, "General systems theory as a new discipline", General Systems Yearbook, num 3, 1958 |
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ASHBY, W R, 'Requisite variety and its implications for the control of complex systems', Namur (Belgique), Cybernetica, 1, num 2, 83, 1958 |
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BERTALANFFY, Ludwig von, Théorie generale des systèmes, Paris, Dunod , 1973 |
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"Un système ou "complexe organisé" peut être délimité par l'existence d'"interactions fortes" (RAPOPORT, 1966) ou d'interactions "non triviales" (SIMON, 1965), c'est à dire non linéaires. Le problème méthodologique de la théorie des systèmes est de s'occuper des problèmes de nature plus générale que les problèmes analytico- sommatifs de la science classique." p 17 |
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CLAUSIUS et BOLTZMANN : équations des lois de l'entropie |
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CLAUSIUS, 1865 : dS = dQ / T, S = entropie Q = chaleur T = t° absolue BOLTZMANN, 1877 : S = k logn W W = probabilité de l'état k = constante de Boltzmann L'état macroscopique d'un gaz a deux paramètres, et celui d'un état microscopique 6*N paramètres : la position de chacune des N molécules du gaz est définie par ses trois coordonnées, et sa vitesse par les trois composantes de celle-ci. Un état macroscopique donné peut donc être réalisé au moyen d'un très grand nombre de complexions différentes, une complexion désignant une répartition (ou une structure) dans laquelle chaque molécule a une énergie cinétique donnée, toutes les complexions étant, par hypothèse, également probables. Il est donc clair qu'entre deux états macroscopiques donnés, c'est celui qui peut être réalisé au moyen du plus grand nombre de complexions qui a le plus de chances de se produire; plus précisément, la probabilité thermodynamique W d'un état s'exprime par le nombre de complexions permettant de réaliser cet état. La probabilité thermodynamique W des état successifs du système augmente en même temps que son entropie. |
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GEORGESCU-ROEGEN, La science économique, ses problèmes et ses difficultés, Paris, Dunod, 1969 |
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PLANCK, Max in BRILLOUIN, Léon, La science et la théorie de l'information, Masson, 1959 |
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"Complexion" : signifie chaque configuration distincte des atomes en état stable ou "métastable". "P" étant le nombre de "complexions élémentaires", S = k log n P |
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SERRES, Michel, Hermes ou la communication, Editions de Minuit, 1968 |
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THOM, René, Mathématiques de la morphogenèse, UGE, 10/18, 1976 |
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"La stabilité d'une forme, ainsi que d'un tourbillon dans le flot héraclitéen de l'écoulement universel, repose en définitive sur une structure de caractère algébrico-géométrique (...), dotée de la propriété de stabilité structurelle vis à vis des perturbations incessantes qui l'affectent. C'est cette entité algébrico-topologique que nous proposons d'appeler - en souvenir d'Héraclite - le logos de la forme." |
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II. Evolution des espèces |
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Table des matières |